30 décembre 2021

Réflexions sur l'organisation de l'hôpital

Au début c’était simple, avec un rapport de force entre la direction qui disposait du financement, et les soignants qui avaient les patients en charge, opposant cet argument aux réticences du Directeur … 

Mais le coût croissant des dépenses de santé lié en grande partie aux progrès de la Médecine, mais aussi aux transformations de la société et, certainement aussi à des dysfonctionnement dans l’organisation, a conduit à se poser la question des économies à réaliser.

l’idée est alors de réduire l’offre en espérant ainsi diminuer la demande, d’où le numerus clausus, la réduction des lits, la fusion des hôpitaux, la limitation des structures de proximité … (certaines décisions se justifient aussi par les exigences des progrès médicaux incitant à regrouper les actes techniques très spécialisés et à garantir la permanence de soins de qualité)

Le personnel médical s’est alors vu offrir la possibilité  (voire l’obligation) de prendre part à la gestion administrative de l’hôpital, ce qui était très judicieux de la part de l’Administration qui partageait ainsi son embarras et son impuissance. 

Par ailleurs il s’est trouvé suffisamment de médecins, désireux de pouvoir et/ou trop confiants, pour s’engager dans cette voie. 

Progressivement on a voulu gérer l’hôpital comme une entreprise en cherchant la performance et la rentabilité, en oubliant que les « clients » étaient des « malades » différant quelque peu des consommateurs habituels. 

L’idée qu’il puisse y avoir des groupes homogènes de malades (GHM) correspond souvent trop peu à la réalité du terrain. Cette notion prend mal en compte des notions peu quantifiables comme l’énergie déployée dans le soin, le temps passé à l’écoute du malade et de ses proches, à discuter d’un dossier avec des confrères,  etc …

Cette gestion comptable de l’hôpital a conduit à augmenter fortement la présence de l’Administration qui a introduit la nécessité de multiples comités avec chacun leurs réunions, leurs présidents, secrétaires, compte-rendus, etc … 

Tout n’est pas négatif dans cette transformation vécue par l’hôpital … On a surement progressé dans certains domaines en terme de sécurité, d’efficacité    Ainsi l’informatique médicale, qui demande un investissement en temps notable, permet aussi parfois d’en gagner … 

On voit par contre que le médecin et l’infirmier(ère) peuvent consacrer de moins en  moins de présence à leurs malades.

Même au sein des équipes la communication est difficile, chacun étant occupé sur son ordinateur à prescrire, à contrôler, à valider … 

Il est sur que, jadis, la visite au lit des patients, en compagnie de leur infirmière, pouvait avoir des insuffisances mais elle avait au moins le mérite pour les malades de les mettre en présence d’une équipe et de permettre des questions, des explications, des échanges …

Quelles solutions proposer?

Le sujet mérite avec urgence une réflexion large, approfondie, démocratique, abordant les rôles respectifs de la médecine de ville, du secteur hospitalier privé, des urgences, et la tâche est immense.

Mais d’emblée il ya des impératifs évidents, redonner à la médecine de ville toute sa place, organiser le recours aux soins urgents pour éviter la surcharge hospitalière, trouver un mode de financement de l’hôpital adapté …

La crise actuelle aura, espérons le, le mérite de montrer les directions à prendre …

 Il faut que les soignants se sentent à nouveau utiles et capables de réaliser le métier qu’ils aiment, qu’ils puissent rentrer chez eux après leurs heures de travail en ayant le sentiment d’avoir bien effectué leur tâche, ce qui n’est assurément pas le cas à l’heure actuelle.









28 décembre 2021

Dans le quartier



 

Noël à Hery sur Alby






 

23 décembre 2021

Petites photos au Minox






 

20 décembre 2021

15 décembre 2021

L'interne de garde il y a un demi siècle ...

Une nuit de garde comme interne à l’hôpital Saint Louis s’achève … On est au début des années 70


Il est 8h30 du matin, le jour se lève et l’hôpital reprend doucement son rythme. La garde de nuit se termine pour l’interne qui observe un peu hébété le va-et-vient  des malades et du personnel qui reprend: les brancardiers poussent les patients  vers la radio (en cas de pluie une petite capote de caoutchouc noir est au dessus de la tête des malades), les infirmières apportent les prélèvements sanguins du jour au laboratoire (avec un pull au dessus de leur blouse quand le temps est frais), les jeunes étudiants convergent vers les services où ils sont en stage, les charriots vides des petits déjeuners des patients attendent d’être collectés, parfois un chat traverse furtivement la cour, à la poursuite d’un gros rat.

L’interne, est arrivé à Saint Louis la veille, à la même heure, pour sa journée de travail. Se sont succédés la visite, le courrier des sorties, les réunions de service, l’accueil des entrées, la contre visite en fin d’après midi … A 18h30 c’est la garde qui commence … 

A cette époque ce sont les internes de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique qui assurent seuls l’accueil aux urgences ainsi que la surveillance et le traitement de tous les malades hospitalisés (hormis dans certains secteurs très pointus comme l’hématologie ou la chirurgie spécialisée par exemple)

En chirurgie l’interne est secondé, lorsqu’il est occupé au bloc opératoire, par un jeune externe chargé des soins courants.

« Appelle moi seulement si ça saigne … » était la consigne, mais c’était peut être une plaisanterie!

En médecine l’interne est au poste des urgences mais doit également courir à l’appel des services d’hospitalisation en cas de souci. Parfois ce n’est qu’une perfusion à reposer, la chute d’un malade, mais parfois aussi un AVC, une embolie pulmonaire, ou encore un malade psychiatrique agité, ce qui allait l’occuper de longues heures.

A l’hôpital Rothschild le rituel consistait en début de nuit à faire le tour des services avec le(la) surveillant(e) de nuit pour un dernier coup d’oeil aux patients posant problème … Je me souviens d’une surveillante qui avait l’habitude de nous signaler ceux qu’elle appelait  les « Saint Pierre », comme pour nous dissuader de tout activisme thérapeutique excessif … C’était de mauvais présage disait-elle si on avait entendu le hibou hululer et pire encore si on était un soir de pleine lune …

Il fallait se débrouiller  avec nos connaissances encore balbutiantes. 

Point de service de réanimation pour prendre en charge l’urgence vitale, pas de soins intensifs de cardiologie. Ces structures commençaient seulement à voir le jour dans quelques centres, et chercher un point de chute pour un infarctus âgé de plus de 70 ans était peine perdue. De même, en cas d’hémorragie digestive, il n’y avait qu’un seul médecin de garde à l’APHP, qui circulait en taxi entre les différents hôpitaux de Paris pour effectuer sur appel une endoscopie en urgence!

Une nuit passée à courir … et, dans le meilleur des cas, un peu de purée et une saucisse froide avalée vers 3h du matin en salle de garde où l’on croisait parfois le collègue de chirurgie abasourdi par une longue journée au bloc opératoire. 

Les nuits calmes on pouvait alors s’allonger mais rarement plus d’une petite heure avant que le téléphone ne sonne à nouveau (à Saint Louis il fallait au préalable chasser les chats qui se réfugiaient dans la chambre de garde)

C’est dire que les premières lueurs du jour étaient appréciées avec l’assurance d’être à nouveau épaulés par nos anciens.

Pourtant tout n’était pas fini car une nouvelle journée de travail débutait, et au final on avait passé plus de 30 heures en continu à l’hôpital …

La fréquence de ces gardes variait selon le nombre d’internes de l’hôpital (en gros une garde par semaine et un week-end par mois)

Là encore on mesure le chemin parcouru en un demi siècle, même si les conditions de travail du personnel soignant sont restées très dures et les heures de travail des internes non comptées.

En témoigne la désaffection du personnel para médical et aussi médical que l’on déplore en ce moment, 

« Un interne a environ trois fois plus de risque de se suicider qu’un Français de même âge de la population générale ! Chez les internes, une méta-analyse retrouve une prévalence du syndrome dépressif de 28,8%, tandis que la prévalence du burn-out est estimée à 51,0% » (Fondation Jean Jaurès)





12 décembre 2021

Frisquet ...




 

10 décembre 2021

Mes débuts en Médecine, la salle commune ...



Souvenir de mon premier stage hospitalier à l’Hotel Dieu de Paris, au milieu des années 60 …

En arrivant le matin en salle, on percevait d’abord un mélange d’odeurs fortes, fruit des sécrétions diverse et variées  de la nuit, provenant de plusieurs dizaines de malades, associées à l’odeur de l’éther et de l’eau de Javel.

Les bocaux à urine étaient éclairés sur la paillasse par le jour qui se levait, et on voyait au premier coup d’oeil à quels malades ils correspondaient, l’ictérique, l’hématurique, le déshydraté, l’insuffisant rénal polyurique, le porphyrique.

A  l’époque il y avait encore quelques religieuses assurant les soins. Près de la « paillasse », centre névralgique sur le plan technique siégeait la surveillante et chacun pouvait embrasser d’un regard l’ensemble des patients, ce qui permettait une surveillance rapprochée constante, mais au dépend de toute intimité pour les patients. A l’inverse le personnel médical et infirmier, également épié, était tenu à la discrétion et à la promptitude devant une demande.

Elément positif sur le plan de l’hygiène l’accès au lavage des mains et au rinçage à l’alcool était immédiat!

Je me souviens du verre à pied rempli de thermomètres trempant dans un fond d’alcool (parfois siroté par un malade souffrant de manque), des urgences qui se traitaient devant tout le monde, avec parfois tout de même un petit paravent (utilisé aussi pour masquer un décès récent avant son transfert à la morgue) et aussi de la chasse aux bouteilles de vin menée par le personnel.

Jeunes stagiaires en début d’étude on regardait avec respect l’interne qui, lui, avait droit à un manteau de laine bleue pour circuler entre les bâtiments et dans les couloirs froids de l’hôpital … et qui semblait maîtriser la connaissance des maladies et de la thérapeutique, savoir certes encore assez réduit à l’époque. C’est lui seul qui avait la responsabilité de l’hôpital durant les gardes de nuit et bien souvent aussi l’après midi, de nombreux séniors étant mi-temps à l’hôpital, exerçant également dans le privé (en dehors de quelques services très spécialisés)

Notre hôpital actuellement en difficulté a tout de même bien changé en quelques décennies … On a bénéficié de progrès extraordinaires sur le plan du diagnostic, de l’imagerie, des traitements. Nos exigences en tant que malades se sont beaucoup accrues également, et c’est justifié, mais il faut bien comprendre que tout ceci coûte et coûtera de plus en plus cher.

Notre société, nos gouvernements et nous mêmes devront faire des choix difficiles et parfois douloureux car on ne voit pas comment apporter une réponse équivalente et simultanée à toutes nos urgences sociétales …